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Relégation : le club peut-il modifier unilatéralement la rémunération des joueurs ?

Fin du suspense, les Girondins de Bordeaux et le FC Metz s'apprêtent à quitter la Ligue 1. Au-delà de l'abattement que constitue une descente en division inférieure pour les supporters, le club va devoir faire face à la baisse conséquente de ses revenus.


En effet, la relégation impacte de facto les droits de retransmission télévisuelle, la billette, le sponsoring alors que dans le même temps les salaires conséquents du groupe professionnel sont maintenus au même niveau.


L'urgence est donc à l'allègement de la masse salariale, principale variable d'ajustement. Si la vente de joueurs est une solution, quid de ceux qui se maintiennent dans l'effectif et/ou ne trouvent pas de porte de sortie ? Est-il possible de diminuer leur rémunération individuellement, voire de procéder à des diminutions collectives de rémunération ?


La négociation individuelle d'une baisse de rémunération dans un contexte de relégation peut être difficile, voire impossible. Dans ces conditions, il peut être tentant pour l'employeur de modifier unilatéralement le contrat.


Or, conformément aux dispositions de l'article 1103 du Code civil selon lequel "Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits", l'employeur ne peut modifier unilatéralement un élément essentiel du contrat, tel que la rémunération, sans l'accord exprès du salarié (Cass. soc., 18 mai 2011, n° 09-69.175 ; Cass. soc., 19 mai 1998, n° 96-41.573 ; Cass. soc., 2 nov. 2005, n° 03-44.278).


Cette interdiction s'applique quand bien même la convention collective ouvrirait la voie à une modification unilatérale de la rémunération par l'employeur (Cass. soc., 13 novembre 2001, n° 99-42.978).


Les partenaires sociaux du football professionnel ont néanmoins fait fi de ce principe d'ordre public en prévoyant, à l'article 761 de la Charte du football professionnel, la possibilité de diminuer unilatéralement et collectivement la rémunération des joueurs (de 20% pour un passage de la Ligue 1 à la Ligue 2, 15 ou 10% selon qu'il s'agisse du premier contrat professionnel ou non pour un passage de la Ligue 2 à la Nationale 1).


C'est sur cette base qu'à la suite de sa descente en Nationale 1 à l'issue de la saison 2009/2010, l'En Avant Guingamp a imposé une baisse de rémunération à l'ensemble de son effectif professionnel. Un joueur insatisfait de cette mesure a saisi le Conseil de prud'hommes en contestation de la modification unilatérale par l'employeur de son contrat de travail.


Par un arrêt du 10 février 2016, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de RENNES, laquelle avait fait pleine application des dispositions conventionnelles pour valider la baisse de rémunération unilatérale.


La Haute juridiction rappelle le principe de base selon lequel "une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à l amodification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié" (Cass., soc., 10 février 2016, n° 10 février 2016, n° 14-26.147). Cet arrêt a depuis été confirmé sur renvoi par la Cour d'appel d'ANGERS (CA ANGERS, 25 janvier 2018, n° 16/02326).


Pour modifier la rémunération du joueur, il convient donc d'obtenir son accord, le secteur sportif ne faisant pas figure d'exception au droit commun du travail.


Un autre mécanisme mis en avant par la crise sanitaire pourrait néanmoins être vu comme une solution idéale : l'accord de performance collective pour préserver les emplois (article L. 2254-2 du Code du travail). Négocié entre l'employeur et la délégation syndicale (ou à défaut, les représentants du personnel), cet accord permet notamment de s'entendre sur une baisse collective des rémunérations.


En effet, l'accord de performance collective, fruit de la négociation d'entreprise, présente l'avantage de se substituer à toute clause contractuelle contraire. Si le salarié refuse la modification de sont contrat, il peut re licencié pour un motif sui generis qui constitue automatiquement une cause réelle et sérieuse.


Néanmoins, à ce jour, l'accord de performance collective est inapplicable aux sportifs professionnels dans la mesure où ils sont embauchés sous contrat à durée déterminée spécifique. Or, les textes relatifs aux conséquences du refus de modification du contrat suite à un accord de performance collective ne visent que les salariés en contrat à durée indéterminée. De fait, aucune conséquence ne pourrait donc être tirée du refus du sportif professionnel.


Le mécanisme est pourtant séduisant puisqu'il permet de répondre aux difficultés économiques rencontrées par le club relégué par une solution sur mesure et négociée au plus près du terrain par les acteurs de l'entreprise.


Il nous apparaît donc opportun d'encourager l'ouverture de l'accord de performance collective aux contrats à durée déterminée spécifiques au secteur sportif pour répondre de manière appropriée et proportionnée à la relégation, dont on peut constater qu'aucune institution n'est protégée.


Aujourd'hui, les clubs doivent pour autant se contenter de la négociation individuelle avec la promesse de reconstruire un projet sportif solide dans l'espoir de jours meilleurs....



Par Gauthier KERTUDO et Jordan RICHE, membres du département Droit du sport chez Barthelemy Avocats,

https://www.barthelemy-avocats.com/veille-juridique/remuneration-et-relegation/

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