Règlement européen général de protection des données personnelles qui fête ses quatre ans, Digital Market Act... Le dynamisme européen s'exprime dans la construction réglementaire d'un univers concurrentiel équilibré.
Alors qu'on fête les quatre ans du règlement européen général de protection des données personnelles (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018, la question des données que nous générons tous, en ligne et hors ligne, et de leur utilisation à des fins notamment commerciales redouble d'actualité.
Sur ce sujet, il est indéniable que l'Union européenne a tenu un rôle précurseur. le RGPD constitue une avancée majeure et, à ce jour, inégalée en matière de protection des données personnelles et de la vie privée, que ce soit du côté des responsables de traitement ou des invidus ("data subjects"). Les premiers doivent désormais effectuer un auto-contrôle permanent de la manière dont ils traitent les données personnelles qu'ils collectent, tandis que les seconds ont vu leurs droits significativement renforcés, d'autant plus que l'Union européenne a réussi ce tour de force d'imposer l'application des règles prévues par le RGPD bien au-delà de ses seules frontières.
Souvent en avance sur le vieux continent, les États-Unis, pour une fois, se sont vu dicter le rythme par l'Europe. Dans le sillage des institutions européennes, la Californie a promulgué, le 28 juin 2018, son California Consumer Protection Act (CCPA) dont les dispositions reflètent très largement celle du RGPD, et des réflexion sont en cours au niveau fédéral pour l'adoption d'un texte similaire.
L'angle du droit de la concurrence
Ceci étant, l'Europe est loin de se reposer sur les lauriers du RGPD en matière de données personnelles. Parallèlement à l'adoption de ce texte essentiel, la Commission européenne et les États membres ont également abordé ce sujet sous l'angle du droit de la concurrence, notamment dans le secteur du numérique.
L'autorité de la concurrence allemande a ainsi considéré en février 2019 qu'un manquement allégué, par Facebook, à ses obligations découlant du RGPD pouvait également être sanctionné sous l'angle des abus de position dominante, lui permettant ainsi d'ordonner au géant américain de modifier en profondeur la collecte et l'utilisation des données relatives à ses utilisateurs. L'affaire a connu depuis de nombreux rebondissements juridiques et devrait être tranchée cette année par la Cour de Justice de l'Union européenne.
Dans la droit ligne de ces préoccupations, le projet de Digital Market Act (DMA) - qui a fait l'objet fin mars d'un accord politique entre le Conseil et le Parlement européen - vient opérer la synthèse entre concurrence et vie privée et élever encore le niveau de protection accordé aux données personnelles, pas seulement en Europe mais pour tous les internautes.
Des standards de protection élevés
L'adoption du DMA, prévue pour l'été, créera en effet pour les plateformes jugées "structurantes" - c'est-à-dire celles quoi contrôlent, d'une manière ou d'une autre, l'accès des tiers au marché - des obligations renforcées en matière de collecte et d'utilisation des données de leurs utilisateurs. Le projet prévoit notamment l'interdiction, pour ces plateformes, de suivre les activités de leurs utilisateurs sur des sites tiers, de combiner les données collectées dans le cadre de l'utilisation de services différents, ou de réutiliser les données personnelles collectées lors de l'utilisation de l'un de leurs services pour les besoins d'un autre prestation. Le tout accompagné de sanctions financières particulièrement lourdes et même, en cas de non-respect systématique de ces obligations, d'un potentiel démantèlement de la plateforme en plusieurs entités distinctes.
Dans un monde, où "data is the new oil" (la data est le nouveau pétrole), ces initiatives de l'Union européenne pour fixer des standards de protection élevés applicables à l'ensemble de nos données personnelles, sans laisser la possibilité à certains pays ou acteurs de mettre en place un "dumping digital", est susceptible d'avoir, dans les années qui viennent, un impact économique et démocratique significatif.
Par Laurence Bary, associée en droit de la concurrence et Sophie Montagne, collaboratrice senior en protection des données, au sein du cabinet Dechert LLP - https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/protection-des-donnees-personnelles-rgpd-leurope-en-premiere-ligne-1413543.
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